noelistique

pere noel

Joyeuses fêtes de  Noël et de Jour de l'An




NOËL
DANS
LES PAYS ÉTRANGERS

Allemagne

saint Nicolas

La fête de Noël en Allemagne Weihnachten[1] (la nuit sainte) est aussi populaire qu'en Angleterre, mais elle a un caractère plus grave et plus religieux.

Des enfants, petits anges ou petits bergers, forment des processions et traversent les villages en chantant des hymnes pastorales. Souvent on y voit la Madone, saint Joseph, saint Nicolas avec sa longue barbe et portant la crosse à la main, saint Martin monté sur un cheval blanc, et toujours y figure le Knecht-Ruprecht, terreur des enfants méchants et joie des enfants sages auxquels il apporte des présents.

Knecht-Ruprecht et kristkindel

Dans quelques campagnes, on joue encore les Mystères de Noël avec une naïveté charmante. Dans les pays catholiques, la Messe de minuit est célébrée en grande pompe.

Dans plusieurs villages, les chanteurs s'assemblent au haut de la tour de l'église, à l'aurore, le jour de Noël. Les habitants sont réveillés aux chants de:

O du fröliche. O du selige

Gnadenbringende Weihnachtszeit!

O joyeuse, ô bienheureuse

Nuit de Noël, si féconde en grâces!

retentissant dans l'air calme du matin.

Les archéologues prétendent que la plupart des coutumes de Noël, qui existent en Allemagne, eurent leur origine dans les vieilles et sombres forêts de la Germanie, alors que les Teutons adoraient Wuotan, l'Odin Scandinave, et son épouse Berchta, la Terre-Mère. Il y a encore, en Allemagne, des districts où Wuotan, avec son chapeau enfoncé sur le front, son manteau gris, et monté sur son cheval blanc, visite les chaumières des paysans. Avant sa visite, le feu a été soigneusement éteint dans le foyer, mais Wuotan le rallume: il préfère mettre le feu à une bûche de chêne. La bûche de Noël doit brûler sous la cendre, elle ne doit pas flamber et dans l'Allemagne du Sud, les cendres sont gardées soigneusement et répandues dans les champs pour assurer leur fertilité.

Après la Messe a lieu le Mettenwurst (réveillon): tous les membres de la famille sont réunis. De ce repas, coutume touchante, on enlève les restes qu'on place dans une salle éclairée toute la nuit: c'est la part du Christ et des Anges. Inutile de dire à qui cette part est destinée.

Le plat favori de Noël pour le paysan est une tête de porc à laquelle on ajoute des saucisses et des choux-verts.

Même les bestiaux ont part au festin de Noël: leur ration de foin est doublée. Dans certains districts, on croit que les bestiaux ont le don de la parole, au moment où la grande fête commence dans l'univers. Celui, paraît-il, qui est doué «de la bonne oreille», peut les entendre parler doucement, tout en ruminant, de la Crèche dans laquelle le Christ naquit. Il ne faut pas seulement avoir «la bonne oreille» pour entendre parler les bestiaux, il faut aussi n'avoir aucun péché sur la conscience.


Il est de tradition, à la Cour de Berlin, que chaque veille de Noël, le capitaine en second de la Ire compagnie du Ier régiment de la garde à pied offre au souverain un gâteau de miel. Le prince impérial et les autres fils de Guillaume II recevront des gâteaux semblables, de la Ire compagnie du Ier régiment de la garde. Seulement, tandis que les gâteaux du souverain et du prince héritier mesurent 35 X 2l X 8 centimètres, comme dimensions, les gâteaux des autres princes ont seulement 30 X 18 X 5 centimètres.

Jadis, ces gâteaux étaient fabriqués à Thorn, mais depuis quelques années c'est à un pâtissier de Potsdam que ce travail est confié. Le gâteau de Noël est glacé, il porte l'étoile de la garde et une inscription dédicatoire. L'Empereur Guillaume ne manque jamais la cérémonie de la remise du gâteau et il retient à dîner les officiers chargés de cette agréable mission.

La veille de Noël, toute la terre germanique est en liesse, sur les bords du Rhin, comme sur les bords du Danube et de l'Elbe; de Mayenne à Vienne[2], de Koenigsberg à Munich, il n'y a pas une famille qui n'ait revêtu le costume des jours de fête.

La Noël des enfants a une telle importance qu'on la prépare longtemps à l'avance. Sur les places de la plupart des villes s'élèvent des maisonnettes en bois aussi élégantes de forme que bariolées de couleurs éclatantes. Les marchands étalent aux yeux de la foule, avec goût et coquetterie, tous les objets qui peuvent servir de présents aux enfants. Les jouets de Nuremberg[3]sont les plus recherchés: poupées de toutes sortes, qui en bergère, qui en grande dame, qui en cuisinière, qui en paysanne; polichinelles de toutes les grandeurs, soldats de plomb, canons, fusils, sabres et tambours.—Plus loin se tient la pâtissière hambourgeoise, avec ses gaufres croquant sous la dent, et ses pains d'épices si joliment travaillés en chiens, chevaux, chats, moutons.—Puis les jeux de toutes les variétés: agates, toupies, cerceaux à sonnettes, jeux de l'oie, jeux de patience... Les parents y conduisent leurs enfants et tâchent de saisir dans un regard, dans une parole, l'expression de leurs désirs. Discrètement ils achètent l'objet convoité et le distribuent au moment opportun, à l'occasion de Noël.

Weihnachtsbaum

Mais ce qui, en Allemagne, domine toutes les réjouissances populaires, ce qui fait de Noël la fête des enfants et le jour des étrennes, c'est l'arbre de Noël (Weihnachtsbaum)[4]. Nulle part, il ne se présente sous des formes plus captivantes et avec des présents aussi appréciés.

Pour piquer la curiosité des enfants et leur faire regarder comme mystérieux, quasi miraculeux, les dons de Noël, le père leur raconte que le Bonhomme Noël (der Weihnachtsmann) passe le reste de l'année au sein de la montagne, entouré de toute une Cour de nains. Chaque nuit, l'un de ces nains monte la garde à la fente du rocher qui sert d'entrée et un autre nain vient le remplacer à l'aube du jour suivant. Au bout de trois cent soixante gardes, le dernier rentre en criant: Voici bientôt Noël. Alors, le Weihnachtsmann et sa Cour sortent de leur repos. Ils vont dans la forêt armés de scies et de haches. Avec ardeur ils coupent les sapins[5]destinés à la fête, et ils les décorent avec la neige qui couvre le pays et avec les glaçons qui pendent aux arbres. Puis il les placent sur des traîneaux et les conduisent dans leur palais souterrain; là, ils les ornent de bougies, de pommes d'or, de noix, de bonbons. La nuit de Noël venue et les étoiles allumées au ciel, le Bonhomme Noël parcourt en traîneau les villages environnants pour s'informer si les enfants sont sages; il s'en assure en regardant par les fenêtres. S'il en est ainsi, vite il descend dans sa demeure, y prend un beau sapin tout couvert de présents et l'apporte à la maison[6].

Dans certaines familles, sur le conseil de la mère, les enfants écrivent, la veille de Noël, une lettre à l'Enfant Jésus, afin de solliciter les objets qu'ils désirent: un couteau, une balle, une bicyclette, des histoires d'Indiens... souvent la liste est interminable. Pourquoi se restreindre? L'Enfant Jésus est si riche!

Voici la nuit de Noël: dans les rues s'illuminent ça et là quelques maisons; on y entend des rires d'enfants. C'est le moment.

KristKindel

Un son de clochette retentit dans la chambre, c'est le signe attendu. Les deux portes du salon s'ouvrent toutes grandes. Quelle magnificence! Quelle richesse! Éblouis, les enfants s'arrêtent une minute, puis s'élancent en avant. Le voici le sapin entrevu dans leurs rêves, mais plus beau, plus brillant. Ses branches atteignent le plafond. Sur chacune d'elles il y a des bougies bleues, vertes, jaunes; des pommes aux joues rouges et des noix d'or; des gâteaux, des massepains pendent à côté. Des boules de verre colorié[7, des guirlandes multicolores, des étoiles d'argent, des croissants d'or brillent dans la lumière. Il y a même de la neige sur l'arbre, mais ce n'est pas de la vraie, c'est de la ouate blanche. Joyeux, des oiseaux et des papillons artificiels se balancent sur les branches. Oh!... et ces groupes d'Anges! Quelle splendeur! Des fils rouges, bleus, verts, jaunes, grimpent de branche en branche jusqu'à la cime. Au sommet plane l'Ange de Noël avec ses blonds cheveux et ses ailes pleines de lumière.


Au pied de l'arbre sont les cadeaux. Des poupées, des berceaux, des ménages, pour les petites filles; des trompettes, des soldats de plomb, des fusils, des tambours, pour les petits garçons. Les cris de joie ne finissent pas. «Vois, les belles images de mon livre!—Tiens, tiens! mon cheval a une vraie crinière!»

Alors la mère se met au piano, les enfants se prennent la main et chantent le vieux cantique si populaire: Stille Nacht, heilige Nacht, que nous traduisons, littéralement:

I

Nuit silencieuse, ô sainte nuit!

Tout dort: seul veille encore

Le couple tendre et très saint[8];

Bel enfant aux cheveux bouclés,

Dors dans ton calme céleste. (Bis.)

II

Nuit silencieuse, ô sainte nuit

Annoncée d'abord aux bergers

Par l'Alleluia des Anges,

La nouvelle se répand à l'entour:

Le Christ, le Sauveur est là. (bis.)

III

Nuit silencieuse, ô sainte nuit!

Fils de Dieu, comme l'amour

Rit sur ta bouche divine.

Quand sonne pour nous l'heure du salut.

Christ, par ta naissance! (bis.)

Puis ce sont des épanchements d'amitié, des remerciements sans fin, la joie brille dans tous les regards, les plus secrets désirs ont été devinés.... Noël est le plus beau jour de l'année.

Enfin, grand'mère fait une lecture dans la Bible. D'une voix tremblante et pieuse, elle lit l'histoire du Sauveur qui naquit dans une étable et qui fut mis dans une crèche. Les enfants écoutent cette histoire qu'ils connaissent déjà et qui chaque année cependant leur paraît plus belle.


Quelquefois, on enferme, la veille de Noël, un arbre chargé de petits cierges, de bonbons, de pommes et de jouets dans une armoire, qu'on ouvre à l'instant où l'on s'y attend le moins, pour donner aux enfants le plaisir de la surprise. Goëthe, dans son roman célèbre de Werther, fait allusion à cette coutume. Entourée de ses petits frères et de ses petites soeurs, Charlotte dit à l'un d'eux, cachant son inquiétude sous un agréable sourire: «Tu auras, si tu es sage, une bougie de couleur et quelque chose avec

Dans quelques familles, c'est encore l'usage qu'avant la distribution des présents se montre le valet Rupert[9] (Knecht Ruprecht) ou Nicolas le Velu.

Knecht Ruprecht

Dans la croyance populaire, ce Knecht Ruprecht est le même que saint Nicolas (ou le Santa Claus des Anglais). Il est bien connu dans toute l'Allemagne Centrale et l'Allemagne du Nord. Il revêt un habit de fourrure et une barbe très épaisse couvre sa figure, un large bonnet à longs poils orne sa tête. Il porte sur le dos un sac plein de jouets et de friandises et dans sa main une baguette, car une partie de sa mission consiste à châtier les enfants méchants. Il est maintenant le messager du Christ-Enfant, bien qu'il doive son origine à des coutumes païennes.

Dans d'autres parties de l'Allemagne, saint Nicolas et saint Martin sont les messagers de l'Enfant Jésus. Saint Martin est le fameux évêque de Tours et Saint Nicolas le non moins fameux évêque de Myre en Lycie. Leurs fêtes tombent vers le temps de Noël[10] et c'est probablement la raison pour laquelle leurs noms sont mêlés aux réjouissances de cette fête. En Allemagne, les catholiques ont adopté saint Martin et les protestants saint Nicolas, mais ils ne sont ni l'un ni l'autre séparés de l'Enfant Jésus. Dans les pieuses familles allemandes on rappelle aux enfants que ce n'est pas saint Martin ou saint Nicolas, avec ses dons matériels, qui est le principal visiteur pendant la sainte veillée, mais l'Enfant Jésus qui vient plus tard avec ses grâces divines. Dans les demeures où la venue de l'Enfant Jésus est représentée, Il entre avec un cœur de pain d'épices dans sa main, symbolisant le cœur renouvelé qu'il apporte à tous ceux qui l'attendent. De leur côté, les enfants tiennent un verre de vin pour rafraîchir l'Enfant Jésus et une botte de foin pour l'âne sur lequel Il est monté. Quand Il apparaît, ils chantent un Noël enfantin des plus charmants:

Christkindele, Christkindele,

Komm doch zu uns herein!

Wir haben ein Heubündele

Und auch ein Gläsele Wein.

Das Bündele fürs Esele,

Für's Kindele das Gläsele,

Und beten können wir auch.

Cher petit Enfant Jésus.

Descends donc chez nous!

Nous avons une botte de foin

Et aussi un verre de vin.

La botte est pour l'âne

Pour l'Enfant le verre.

Et nous savons aussi prier.

Le Knecht Ruprecht est souvent représenté par quelque ami de la maison qui, pour n'être pas reconnu des enfants, porte, comme nous l'avons dit plus haut, un bonnet de fourrure, une longue barbe et un grand bâton. Cet usage est ainsi raconté dans le Journal des Voyages:

Knecht Ruprecht

«Le soir du vingt-quatre Décembre, dans une chambre bien éclairée, est disposé l'arbre de Noël orné d'objets et de friandises; les enfants sont partagés entre l'espérance et la crainte.... Tout à coup on entend une clochette, la porte s'ouvre et Christkinde[11] paraît: c'est une jeune femme vêtue de blanc et coiffée d'une perruque de chanvre[12]. Sa figure est enfarinée pour la rendre méconnaissable, et elle porte sur la tête une couronne; d'une main elle tient une clochette, et de l'autre une corbeille pleine de bonbons.... Soudain un grand bruit de ferrailles se fait entendre et bientôt apparaît Nicolas le Velu, le corps couvert d'une peau d'ours. Sa figure toute noire est encadrée d'une grande barbe; d'une voix grave et vibrante, il demande quels sont les enfants méchants.... Alors les bons parents interviennent, plaidant en faveur des petits coupables, implorant pour eux l'indulgence, et promettant, en leur nom, une conduite exemplaire pour l'avenir.... Le démon est chassé du logis; et bientôt l'on n'entend plus que des rires sonores et des applaudissements enfantins autour de l'arbre de Noël, objet de toutes les convoitises.

sapin de noel

Pendant la guerre de 1870, ce ne fut pas l'un des moindres sujets d'étonnement pour les paysans français envahis, que de voir Prussiens, Bavarois, Saxons, Wurtembergeois, etc., et les uhlans eux-mêmes, se grouper fraternellement autour de petits sapins agrémentés de lumières et chanter des chœurs glorifiant la venue du Messie.—De nombreux soldats bavarois, logés au Petit Séminaire d'Orléans, à La Chapelle-Saint-Mesmin, demandèrent une des salles d'étude et y élevèrent leur arbre de Noël. Ils firent entendre leurs plus beaux chants en l'honneur de l'Enfant Jésus, et écoutèrent avec un profond recueillement une allocution très éloquente de leur aumônier militaire.

A l'occasion des fêtes de Noël, les officiers allemands accordent des congés aux soldats placés sous leurs ordres. Mais il faut compter avec les exigences du service: tout le monde ne peut pas être envoyé «en permission». Après le départ des privilégiés qui passent la fête de Noël dans leurs foyers, il reste encore un grand nombre de soldats «au quartier».


Or, en vertu du principe qui déclare que le régiment est une «seconde famille», les chefs cherchent à les récréer en cette fête solennelle.

L'avant-veille de Noël, chaque Hauptmann (capitaine) reçoit de la commission des ordinaires, une somme d'environ cent marks (cent vingt-cinq francs), destinée à l'achat d'un arbre de Noël.

Le soir du vingt-quatre Décembre, on installe un beau sapin tout hérissé de petites bougies, dans la chambre la plus vaste du casernement affecté à la compagnie: des tables sont dressées autour de l'arbre et tendues de nappes bien blanches sur lesquelles s'alignent des paquets de cigares, enveloppés de chauds tricots de laine, desPfefferkuchen (pains d'épices) autour desquels s'enroulent des paires de bretelles, des chaussettes, des ceintures de gymnasque; aux extrémités et servant d'encadrement des pipes, des photographies, des portraits de l'Empereur, etc.

Au fond de la salle, un tonnelet de bière chevauche majestueusement sur un chevalet improvisé.

La nuit est venue. Déjà, depuis un instant, le capitaine est arrivé avec ses officiers et attend dans la chambre du chef.

La commission des sous-officiers et soldats chargés de préparer la fête fait son entrée. Le sergent-major s'avance et dit:

—Mon capitaine, tout est prêt.
—Très bien. Et le tonnelet de bière?
—Il est en place, mon capitaine.
—Parfait. Voulez-vous faire venir «les hommes.»

Cinq minutes après, toute la compagnie est là. Un profond recueillement plane sur l'assistance. Le capitaine entre alors dans la salle et aussitôt les soldats entonnent le choral:

O du fröhliche, o du selige,

Gnadenbringende Weihnachiszeit

Welt ging cerloren: Christ ist geboren

Freue dich, freue dich, du Christenheit.

O joyeux, ô radieux.

O salutaire Noël,

La Terre était perdue, le Christ est né,

Réjouis-toi, réjouis-toi, ô Chrétienté!

Le chant terminé, le sergent-major dépose dans un casque un nombre de numéros égal à celui des hommes présents. Chaque troupier, à son tour, vient en tirer un et prendre ensuite possession du cadeau correspondant.

L'opération du tirage au sort est achevée. Le tonneau est mis en perce. Le capitaine, verre en main, se porte au centre; après un petit speech de circonstance, il termine par ces mots:

Auf cuer Wokl, Leute; ich wünsche euch allen ein frohes Fest.

(A votre santé! les hommes (mes amis), je vous souhaite à tous de passer joyeusement la fête.)

Au bout de quelques minutes, après avoir causé amicalement avec les soldats, le Hauptmann se retire pour donner aux sous-officiers ses étrennes personnelles.

Un trait patriotique, extrait d'un journal allemand[13], nous permet de compléter tout ce que nous avons dit des coutumes de Noël dans les pays d'Outre-Rhin.

C'était en 1870, pendant le siège de Paris. La nuit était glaciale et des milliers d'étoiles perlaient au firmament. Français et Allemands étaient si rapprochés que, d'un poste à l'autre, on entendait clairement retentir les appels et résonner les armes sur le sol durci par une gelée des plus intenses.

Il pouvait être minuit. Tout à coup un soldat français, après avoir demandé la permission à son capitaine, gravit le fossé et s'avance de quelques pas vers l'ennemi. Là, il s'arrête, salue militairement, et d'une voix puissante et grave, à pleins poumons, il entonne:

Minuit, chrétiens, c'est l'heure solennelle
Où l'Homme-Dieu descendit jusqu'à nous...

Cette apparition était si inattendue, si mystérieuse, cette voix vibrait si harmonieusement dans le calme de la nuit, ce chant magistral empruntait aux circonstances une telle grandeur, une telle beauté que tous—raconte le capitaine de mobiles témoin du fait[14]—parisiens sceptiques et railleurs, nous étions suspendus aux lèvres du chanteur.—Et du côté des Allemands, l'impression devait être la même, car on n'entendit pas le moindre bruit d'armes, pas la moindre parole.

Quand les derniers mots du cantique d'Adam:

Peuple, debout! Chante la délivrance!

Noël! Noël! Voici le Rédempteur!

eurent retenti au milieu du silence général, comme un coup de clairon «qui sonne la victoire», le soldat rentra au poste où il fut acclamé par tous ses camarades.

1870

Mais aussitôt après, du côté des Allemands, un soldat apparaissait à son tour: c'était un superbe artilleur, casque en tête. Il s'avança, comme le français, de quelques pas et salua militairement avec la raideur propre aux soldats de son pays. Là, entre ces deux armées d'hommes qui jusqu'alors ne songeaient qu'à s'entr'égorger, il entonna, à son tour, en allemand, un beau cantique de Noël, hymne de reconnaissance et de foi à Jésus Enfant, qui naquit, il y a dix-huit siècles, et vint prêcher aux hommes l'amour de leurs frères.

Pas un bruit, pas un mouvement hostile du côté des Français ne vint troubler la voix du chanteur allemand. Quand, avec une émotion toujours croissante, il eut redit les dernières paroles du refrain:

Weihnachtszeit! Weihnachtszeit[15].

le poste allemand tout entier le reprit en choeur.

Et dans nos retranchements, le poste français répondit d'une seule voix: Noël! Noël! Vive Noël!

Un instant, les deux armées ennemies furent ainsi confondues dans une pensée commune de cordialité et de paix. L'idée de Noël, avec le souvenir de ses fêtes familiales et de ses enseignements divins, avait ainsi transformé ces hommes et mis dans leurs coeurs les sentiments de la plus fraternelle charité[16].

Monseigneur CHABOT

Prélat de Sa Sainteté
CURÉ DE PITHIVIERS (LOIRET)

 
3 Decemb. 1905.



[1] Ancienne forme plurielle aujourd'hui inusitée, excepté dans quelques cas très rares.

[2] Dans une grande partie de l'Autriche, les coutumes de Noël sont absolument les mêmes qu'en Allemagne.

[3 Les articles de Nuremberg sont très renommés: on les voit exposés au Musée National de Munich. Ils sont fabriqués en grande partie dans la Forêt Noire au centre de laquelle se trouve Triberg, un des sièges principaux du commerce des horloges connues sous le nom de coucous.

[4] Dans le nord de l'Allemagne, et surtout à Berlin, l'arbre de Noël est souvent remplacé par des pyramides faites avec un assemblage de planches et de petits madriers. Cela provient de la difficulté de se procurer des sapins.

[5] Les sapins qui doivent servir d'arbres de Noël viennent surtout des montagnes du Harz.—La Forêt Noire en fournit aussi en grande quantité: nulle chaîne de montagnes de l'Allemagne n'est aussi riche en paysages grandioses, en sites délicieux; les hauteurs inférieures sont surtout couvertes de pins et de sapins aux senteurs fraîches et vivifiantes.

[6] D'après Bernard Zornemann.

[7] Ces objets en verroterie se fabriquent principalement à Lauscha, en Thuringe. Chaque année, il en est expédié des quantités considérables dans toute l'Allemagne. Les fabricants en donnent 200 ou 300, selon la grosseur, pour la somme de 3 à 5 marcs (3 fr. 75 à 6 fr. 25).

[8] Marie et Joseph.

[9] Cet usage tend à disparaître; les petits enfants s'en font peur et leur santé peut en souffrir; les grands n'y croient plus.

[10] La fête de Saint-Martin est le onze Novembre et la fête de Saint-Nicolas le six Décembre.

[11] Kindel petit enfant, Christkindel petit Enfant Jésus.

[12] Les Allemands sont caractérisés par les cheveux blonds clairs et les yeux bleus.

[13] C'est la Fraukfurter Zeitung, la Gazette de Francfort, qui raconte ce trait ravissant, plein de patriotisme et de souffle religieux.

[14] Le capitaine X***, d'un bataillon de mobiles de Paris, a raconté lui-même le fait: le chanteur appartenait à l'un des grands théâtres de la capitale.

[15] Temps de Noël! Temps de Noël!

 [16] On nous écrit qu'un fait à peu près semblable se serait passé à la tranchée de la Plâtrière, près de Choisy-le-Roi.










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