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Joyeuses fêtes de  Noël et de Jour de l'An


A Prague, l'Enfant Jésus bat le Père Noël, agent étranger


Si vous vous déplacez ces jours-ci dans la capitale tchèque, vous serez peut-être surpris de ne pas trouver dans les magasins la capuche rouge du Père Noël.

Santa Claus l'Américain n'a pas la cote à Prague.

Dans la guerre de tranchées qu'il mène contre « l'Enfant Jésus », variante locale du livreur des cadeaux de Noël aux enfants, c'est le second qui a emporté la dernière bataille.

Pourquoi les commerçants tchèques désireux d'attirer le chaland de Noël n'affichent pas l'image du vainqueur ? Parce qu'à la différence du vieux barbu, l'Enfant Jésus livreur des cadeaux est invisible. Invisible et même, paraît-il, complètement nu ! Les pères mettent en garde leur progéniture, le 24 décembre au soir :

« N'ouvrez pas la porte de votre chambre pendant que l'Enfant Jésus vient y déposer ses cadeaux ; si vous ne le voyiez que d'un coin de l'œil il prendrait peur, s'envolerait et… plus de cadeaux ! »

Personne ne sait à quoi cet être mystérieux ressemble.

Après la chute du communisme, au début des années 1990, les chaînes commerciales, prêtes à profiter de la vague de fascination des Tchèques pour l'Occident, notamment pour les Etats-Unis, déployaient tous les ans, avant Noël, des campagnes essayant d'imposer dans les têtes des consommateurs locaux un nouveau personnage : Santa Claus.

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Des films hollywoodiens pour enfants mettant en scène le gaillard robuste aux couleurs de Coca-Cola apportaient leur concours discret. Au bout de plusieurs années, les commerciaux y ont renoncé, constatant l'échec de leur message : les familles tchèques sont restées fermées au bouffon vêtu de fourrure, s'obstinant, le jour de Noël, à inviter chez eux l'Enfant Jésus, le secret.

« Papy Hiver », grand frère de l'Est, renvoyé en Sibérie

Certains étaient allés jusqu'à s'insurger publiquement contre ces tentatives d'imposer à leurs compatriotes un héros, Santa Claus, aussi étranger aux coutumes locales. Une réminiscence jouait beaucoup en sa défaveur : le Père Noël occidental ressemble comme deux gouttes d'eau au « Papy Hiver » russe, que l'on avait déjà essayé d'importer dans le pays, avec les moyens de propagande de l'Etat, après l'inféodation de la Tchécoslovaquie à Moscou, en 1948.

En décembre 1952, s'adressant aux enfants dans un discours radiodiffusé de Noël, Antonin Zapotocky, le Premier ministre communiste de l'époque, avait officiellement décrété la fin du règne de l'Enfant Jésus durant ces fêtes :

« Les temps ont changé. Les enfants des travailleurs ne naissent plus dans des étables. De nombreuses transformations sont intervenues. L'Enfant Jésus a grandi et vieilli, il lui a poussé une barbe et lui-même s'est mué en Papy Hiver. Il ne marche plus nu et déguenillé, il est bien vêtu de chapeau et de manteau de fourrure. Ni nos travailleurs ni leurs enfants ne sont plus nus ou vêtus de loques. »

Le Père Noël russe, arpentant les rues des villes tchèques dans les années 1950, s'était fait bouder par la population, entrée sur ce champ d'intérêt précis en résistance passive contre le communisme. Quarante années plus tard, elle a refait le geste en tournant le dos à Santa Claus, symbole de la consommation capitaliste, tout en accélérant le volume de ses dépenses de la fin de l'année… au nom du pauvre Enfant Jésus.

Par Martin Danes

Journaliste et écrivain tchèque

Source

14/12/09

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