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Joyeuses fêtes de  Noël et de Jour de l'An


La folie commerciale de Noël existe depuis plus d'un siècle

centre commercial

Vous prenez quelques minutes pour souffler, juste avant l'arrivée de la visite pour le réveillon. Coup d'oeil aux innombrables cadeaux qui se disputent une place sous le sapin. Léger soupir.

«Quelle devait être belle l'époque où Noël était célébré sans la corvée de magasinage qui l'accompagne aujourd'hui !» pensez-vous. Erreur. Au Québec, le Noël à saveur commerciale existe... depuis belle lurette. C'est ce que raconte le sociologue Jean-Philippe Warren, dans son essai intitulé Hourra pour Santa Claus !, publié chez Boréal.

Milieu du XIXe siècle. La fête de Noël passe presque inaperçue dans les chaumières des Canadiens français. Il y a bien une messe de minuit, mais peu de réjouissances et aucun congé pour les écoliers. C'est plutôt le jour de l'An qui est célébré en grand, avec ses rassemblements familiaux et ses échanges de cadeaux.

À la fin du XIXe siècle souffle toutefois un vent de changement. Les villes se développent, et la classe marchande - qui connaît un essor important - veut faire mousser ses ventes. À grands coups de publicité dans les journaux, les marchands mettent de l'avant une idée nouvelle pour Noël : il faut acheter, non pas seulement pour répondre à vos besoins, mais aussi et surtout pour combler vos désirs.

Courses de Noël

Même l'Église catholique, paradoxalement, a contribué à mousser ce nouveau credo. «D'un côté, elle condamne un engouement qu'elle considère maladif pour les cadeaux, mais de l'autre, elle encourage fortement la montée d'un Noël consumériste. La magnification du 25 décembre est une façon de remplacer la fête du Nouvel An», explique M. Warren. Noël devient donc l'unique occasion pour laquelle les Canadiens français envahissent les magasins sans le regard désapprobateur de l'Église. L'opération est si bien réussie que dès le tournant du XXe siècle, les journaux font état du «traditionnel shopping de Noël».

De Santa Claus au père Noël


La stratégie de marketing est d'autant plus efficace qu'elle cible une nouvelle clientèle : les gamins. «Les enfants sont les plus faciles à associer à cet univers de désir et de consommation effrénée, explique M. Warren. C'est connu, les enfants veulent toujours tout avoir !»

D'où l'apparition d'un certain monsieur rondouillard à la barbe blanche. Santa Claus - qui est d'origine allemande - a d'abord fait son apparition aux États-Unis. Rapidement, les commerçants américains ont compris qu'il représentait un formidable outil de marketing : grâce à sa présence, les enfants se bousculent à leurs portes.

Les marchands montréalais s'en inspirent. Santa Claus fait ses premières apparitions dans la métropole. Le succès est quasi instantané. Quelques années avant la Première Guerre mondiale, le défilé de Santa Claus dans les rues de Montréal attire entre 50 000 et 70 000 personnes !

Le gros bonhomme joufflu a vite supplanté le petit Jésus dans le coeur des enfants. «Il est tellement plus sympathique ! note M. Warren. Il n'a pas la sévérité et le rigorisme du petit Jésus.»

Mais il y a un hic. Santa Claus est anglophone, protestant de surcroît. Les commerçants francophones, avec la complicité de l'Église catholique, le rebaptisent. C'est la naissance du père Noël.


Magasinez chez Paquet


Le sympathique personnage a changé d'identité, mais il continue toujours de servir les intérêts commerciaux.

Au début du XXe siècle, la compagnie Paquet - qui possède alors un grand magasin rue Saint-Joseph à Québec - est «une de celles qui utilisent le mieux la carte du père Noël», indique M. Warren. Un père Noël passe de porte en porte pour donner aux enfants un macaron du magasin Paquet, à porter jusqu'au 25 décembre !

En 1915, tout est joué, ou presque. Le «kit de Noël», avec la dinde, les décorations, le sapin et tout le reste, est définitivement ancré dans les moeurs. Par la suite, la folie commerciale de Noël ne fera que prendre de l'ampleur, en se répandant dans les régions plus éloignées de la province et dans les familles moins aisées.

Un siècle plus tard, la grande messe commerciale de Noël existe toujours, mais elle a perdu de sa magie, note le sociologue. «Aujourd'hui, c'est presque Noël tous les jours. On court les centres commerciaux 365 jours par année. Il y a une lassitude qui s'explique par le fait qu'on a dépassé les bornes.» Voilà d'ailleurs tout le paradoxe de cette fête, conclut M. Warren. «Noël a été vaincu par son triomphe !»

Daphnée Dion-Viens







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